Je reviens à peine de France et Suisse, où j’ai pu vous parler de ce que nous pouvons faire pour sortir de cette “matrice” artificielle. Comme vous le savez, j’apprécie particulièrement les moments de questions-réponses avec vous. J’aime découvrir vos façons de percevoir le monde, trouver ce qui nous rassemble et nous différencie, mais aussi être testé dans mes propres perceptions.
Quelle richesse que l’humanité diverse ! Pourquoi vouloir uniformiser nos perceptions, nos choix de vie, nos croyances, nos enthousiasmes ? C’est bien là la marque d’un monde malade. L’un des grands signes de la tradition essénienne est l’Alliance primordiale sous la forme de l’arc-en-ciel donné à Noé : toutes les nuances de la vie sont issues de la même Lumière. A Lausanne, on m’a demandé si finalement, le monde n’était pas mauvais, créé par des dieux déchus, porteur en lui-même d’imperfections coupables, nous condamnant à errer dans un monde malade tout en sachant que nous pourrions vivre ailleurs autrement… Certaines traditions en effet parlent du mal intrinsèque du “monde”, nécessitant que le sage s’en retire, s’enfuit, le haïsse. En parlant quelques instants avec celui qui me posait cette question, je découvrais le fond de son argument : puisque le chat mange la souris, et que c’est laid et mal, ce monde est sans aucun doute laid et mauvais.
Je peux vous en parler car j’ai moi-même été hanté par ce sentiment durant des années. J’y ai même trouvé une force supplémentaire pour être Essénien, c’est-à-dire “hors du monde” (selon ma croyance de l’époque). Aujourd’hui, et alors que la nécessité de sortir de la matrice artificielle ne m’a jamais autant sauté aux yeux, je ne crois plus ces affirmations qui font du monde un lieu de damnation. Pourquoi ?
Si le Divin a créé le monde, c’est à nous de l’étudier. Non pas comme des critiques d’art, qui ne savent pas tenir un pinceau mais pourtant noircissent des pages de commentaires sur l'œuvre des autres. Si Dieu est Dieu, alors il est un mystère permanent car toujours au-delà de nos capacités, de nos compréhensions, de notre temps, de nos limites. Comment un tel créateur pourrait être jugé par sa créature ? Comment le mortel pourrait prétendre évaluer (et donc juger) l’immortel ? Loin de la nature, du simple, du vrai, les hommes se perdent dans leur intellect. Là, ils empilent des certitudes, des savoirs, des citations, des affirmations, des croyances, des mémoires qui ne sont pas les leurs… Et comme dans la caverne d’Ali Baba, ils se croient riches alors qu’ils ne savent même plus où est le diamant de la candeur.
Cette incapacité à l’humilité est une maladie. Comme nous l’avons vu elle ne vient pas de l’homme lui-même mais de ces “dragons” qui gardent les mondes spirituels, invisibles, d’où l’homme tire toute réflexion, toute intelligence, toute inspiration, toute croyance, tout sentiment d’existence. Et comme nous le décrit Tolkien dans Le Hobbit, un dragon surveille ce trésor amassé dans les mondes intérieurs de l’humanité. Nul ne peut y toucher car c’est ainsi que l’humanité est tenue en esclavage, incapable d’accéder au Réel avec humilité, simplicité, comme un enfant qui apprend de ses parents.
C’est cela la matrice artificielle : une caverne d’Ali Baba qui ne contient en réalité qu’un seul trésor utile, la candeur originelle qui seule permet de percevoir le Réel. J’ai passé deux heures à Lausanne, à tenter d’expliquer comment nous devons accepter que Dieu est le Réel, que contempler ce qui est naturel est nécessairement vrai, bien et bon. J’ai essayé de montrer comment la matrice artificielle veut nous faire croire que nous, les hommes, savons mieux que la nature ce qu’elle devrait faire, ce que la vie devrait être. Mais qu’il est difficile de sortir de la caverne, de renoncer à ses trésors pour se trouver nu face au Réel !
Là, plus rien d’artificiel, plus de savoir mort, plus de certitudes accumulées. La Candeur seule nous permet d’entrer en dialogue avec Dieu à travers sa Création. C’est un état d’être que je vous décris ici, pas une idée.
Je sais que deux heures de conférence dans un hôtel à Lausanne ne sont pas suffisantes (loin s’en faut) pour atteindre un état d’être. Je voulais profiter de vous écrire pour vous dire à quel point seuls des états intérieurs nous permettront de sortir du monde faux. Aucune réunion, aucun débat, aucune explication ne peut faire le travail, libérer nos perceptions pour sortir de la caverne.
Les Esséniens enseignent la voie du tapis volant, cet espace sacré sur lequel l’homme s'entraîne à s’approcher du Réel, le Divin, l’Eternel. Cette pratique peut nous porter hors de danger, dans la pleine lumière du jour.
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