Choisissez votre camp
- Guilhem Cayzac
- 6 juin
- 3 min de lecture
Dernière mise à jour : il y a 7 jours
Je me trouve dans les Alpes pour le tournage d’un nouveau projet dont je vous parlerai à la rentrée.
Au bord du lac, un petit jardin déploie toutes ses floraisons printanières de rosiers gargantuesques. Entre les sommets enneigés, le lac bleu et ces explosions outrageuses, je me pose dans une sobriété intérieure joyeuse.
C’est sous une arche fleurie que je croisais un couple de personnes âgées qui avançait, bon pied, bon œil, discutant avec animation de leur fils, qui avait quitté l’Europe. C’est ainsi que commença notre discussion sur la situation sociale de ce pays qu’ils ne reconnaissent plus. Rapidement, la femme partagea son choc d’avoir appris que la loi sur l’euthanasie était votée. Je devais justement partager mon point de vue sur ce sujet et en profitais pour lui demander les raisons de sa colère.
Elle finit son argumentaire par le nom du grand responsable de tout cela, le président français : “Je le hais” dit-elle carrément, joignant le coeur à la parole, maudissant l’homme, prononçant son nom comme un gros mot.

Une petite pluie fine hâta la fin du conciliabule improvisé, et je fus un peu déçu de laisser dans ce lieu si joyeux l’empreinte d’une conversation si dure. Mais j’allais filmer ma vidéo pour Youtube et ne pensais pas plus à tout celà. C’est quelques heures plus tard que me revint à l’esprit ce dépit rageux, cette colère exprimée par une femme au bout de son chemin de vie. Elle pourrait se tenir dans la contemplation douce des expériences passées, ou même simplement la beauté paisible de ce lieu enchanteur.
Au lieu de cela elle souffrait, avec beaucoup de lucidité, de l’état de son pays, du monde qu’elle avait connu et participé à construire, qui forçait son fils à partir pour chercher la liberté et les opportunités à l’autre bout de la planète.
En méditant sur ce moment, en l’accueillant dans mon coeur, je perçus ses paroles comme des objets de colère, de défoulement.
Comment se faisait-il que le nom du président des Français ne provoque pas en moi la même émotion ?
Cette question m’habitait et la réponse émergea en contemplant le lac impassible :
Je n’ai pas de relation avec lui. Entre lui et moi, il n’y a aucune émotion, aucune pensée et bien sûr, aucune attente.

C’est la relation qui permet certaines émotions.
Lorsque l’on n'a aucune relation, alors bien sûr il est beaucoup plus rare d’avoir des émotions. Je méditais maintenant sur ma propre vie, les expériences relationnelles qui avaient pu m’amener à vivre ce que vivait cette femme. Moi aussi, j’ai été déçu, en colère, et à chaque fois, c’est que j’avais initié une relation qui n’était pas basée sur la réalité.
J’avais projeté des attentes, des espoirs, des besoins, des imaginations, des croyances… Et lorsque l’objet de mes projections n’avait pas été à la hauteur de mes attentes, je lui en avais voulu de ne pas remplir son rôle.
Ainsi, plus j’ai eu d’espoirs et d’attente dans une relation, plus mes déceptions et frustrations ont pu être grandes. J’ai clairement compris que dès que nous sommes en colère contre quelqu’un, il faut se souvenir qu’il vient de faillir à nos propres attentes et besoins. Et pourtant, une journée de vie s’offre à nous mais elle nous glisse entre les doigts car notre coeur est plein de fiel, notre bouche de venin, et notre pensée de fumier. Or, personne sur terre ne mérite que nous perdions une journée de vie pour lui. Pourtant, là dans ce jardin extraordinaire, cette vieille femme fulminait (à raison, sans aucun doute) contre le président des français, et perdait une minute, une heure, une journée de la douce et puissante beauté de notre Mère la Terre.

S’il est un camp qu’il faut choisir, c’est bien celui-là. Pour ma part, je fais tout pour prioriser la qualité de ma vie intérieure. Car finalement, c’est ce que je transporte avec moi. Mes colères peuvent rester au bord du chemin, je continue d’avancer. Avec elles, je me déleste des illusions, projections, espoirs, croyances, imaginations, attentes que j’ai plus ou moins consciemment nourris.
Ainsi je laisse ces relations décevantes en paix, et je recentre mon énergie sur la suite de ce passionnant voyage que nous faisons, tous ensemble, dans le cosmos.
Je choisis le camp de la Conscience, et si je me suis laissé aller à l’irréel, je laisse la Réalité me réveiller de mon rêve. Personne n’est responsable de mes déceptions. Je ne méprise pas celui qui m’a permis d’être désillusionné, au contraire !
Merci à toi qui a servi de miroir aux alouettes de mon esprit. Merci à toi qui a brisé mes fantasmes et mes rêves. Merci d’avoir participé à mon rêve et mon réveil.
La Lumière est immortelle. Dieu est la mémoire du monde.
Tu n’étais pas la Lumière, et tu ne seras pas ma mémoire.
Au bord du lac, j’ai pardonné et me suis libéré.
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