Vous le savez, un regard essénien cherche l’origine, la réalité des choses. Lorsque des sensations fortes nous parviennent, elles provoquent un trouble qui rend la visibilité plus faible, un peu comme lorsque l’on remue le fond de l’eau. Or, il existe des groupes d'hommes qui ont un grand recul, font des calculs géopolitiques sur des années.
La plupart d’entre-nous sommes soumis à un flux incessant d’images, d’informations, d’affirmations. Cela nous enfume et empêche de (peut-être) percevoir qui tire les ficelles, au bénéfice de quoi exactement. Comme les hommes prisonniers de la “Caverne” que décrit Platon, nous sommes prisonniers de ces perceptions, de ce bruit.
Même lorsque l’inhumain nous est jeté au visage à travers ces vidéos et récits, essayons de nous souvenir que nous vivons dans un monde de causes et de conséquences. Ces horreurs sont les conséquences d’actes passés, mais également (et malheureusement) la cause d’évènements à venir.
La vie est un tissage permanent. A la fois nous recevons le “fil” du Passé que nous devons nouer à la trame du Présent, et ce faisant, nous engendrons une destinée future. Depuis plusieurs millénaires, l’humanité crée des trames, file, tisse, noue, dénoue… et plus le temps passe plus le tissage est complexe, jusqu’à devenir artificiel, hors-sol et inextricable. Si comme moi votre cœur a saigné en voyant ces images insoutenables et qu’un sentiment d’absurdité a pu vous envahir, sachez que nous sommes entrés dans ce tissage artificiel.
Le comble de l’absurdité est d’appeler cet endroit la “Terre Sainte”. En effet, la Terre est notre Mère. Elle est la Réalité sacrée, le Don de Dieu à l’homme vrai et bon. Pour le regard essénien, la Terre toute entière est sainte et sacrée. Comment pourrait-on croire que Dieu est ici plus qu’ailleurs, en moi plus qu’en toi ? Sa Présence est dans les actes que tu fais, ce qui sort de toi comme vie. Sa Présence est dans ta présence… ou pas.
Quelle que soit ta religion, ton lieu de vie, si tu ne poses pas tes pieds sur la Terre Sainte chaque jour de ta vie, alors Il ne pourra être présent en toi. Et ce qui sortira de toi comme vie sera une preuve de son absence. C’est l’absence de Dieu qui émane de la “Terre Sainte”. Comme toujours, le désespoir, la passivité, le découragement, la colère rôdent autour des hommes pour les envahir lorsqu’ils sont confrontés au Mal. Inutile alors de chercher les raisons, les causes, les “vraies” raisons de l’absurdité du tissage de l’Histoire. Les motifs qui y apparaissent sont, comme le dit Shakespeare :
“une histoire dite par un idiot, pleine de bruit et de fureur, et qui ne signifie rien”.
Je pense que chercher le sens de cette folie est un grand piège. Nous vivons une fin de cycle et toutes ces Histoires malades s'aggravent, s’accélèrent, entrent en phase terminale. Nous devons nous libérer de ce mythe de la “Terre Sainte”.
Paradoxalement, c’est bien ce qu’a fait Moïse l’Égyptien en quittant la terre d’abondance, véritable paradis devenu enfer, pour sauver son peuple. Le temps n’est plus à déplacer le problème pour trouver une solution “ailleurs”. C’est la Terre sous nos pieds qu’il faut à présent déclarer sainte et sacrée, au-delà de toute frontière, religion, race, histoire, passé. Sans cela, nous laissons les rois du monde de l’homme, les gouvernants et manipulateurs écrire notre Histoire, faire et défaire les martyrs, les victimes, les justifications, les causes et les conséquences de leurs décisions.
A l’heure où j’écris ces mots je devais rejoindre Israël pour poser mes pieds dans les traces que j’y ai laissées. Peut-être que ces traces sont à présent effacées par tant et tant de poussière… Peut-être que l’essentiel est aujourd’hui non pas dans le lieu mais bien l’état de conscience qui nous habite.
Peut-être que la Mère-Terre nous invite à revenir vers Elle, la tisseuse de Vie. Alors nous pourrons poser les pas, les actes qui construisent un autre futur. En tant qu’Essénien je me sens héritier d’une Tradition éternelle qui me rend capable d’entrer en relation avec la Terre, le Réel, et de quitter toute terre d’esclavage, d’artifice. Je prie pour que cet état de conscience émerge dans le cœur des hommes qui ploient sous le lourd fardeau du passé.
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